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En principe, les dispositions de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite « CMR » prévoient une limitation d’indemnisation en cas de vol ou de perte de marchandises pendant leur transport. Toutefois, l’article 29 de la CMR permet d’écarter cette règle, si le dommage provient du dol du transporteur ou d’une faute qui lui est imputable et qui, d’après la loi de la juridiction saisie, est considérée comme équivalente au dol.

Ainsi, le transporteur (et son assureur) doit indemniser intégralement l’expéditeur de marchandises (et son assureur), lorsque le dommage est dû à sa faute inexcusable définie à l’article L. 133-8 du code de commerce auquel renvoie l’article 29 de CMR :« [est] inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ».

Pour la Cour de cassation cette témérité ne se déduit pas des seules défaillances matérielles du voiturier, lorsque l’élément psychologique – conscience de la probabilité du dommage et son acceptation sans raison valable – fait  défaut.

Autrement dit, une simple faute dimprudence ou de négligence ne se qualifie pas automatiquement en une faute inexcusable.

  • Appréciation jurisprudentielle in concreto

Selon les Hauts magistrats, le fait d’endommager la marchandise en passant sous un pont ne constitue pas pour un transporteur une faute inexcusable, s’il n’a pas été informé de la nécessité d’organiser un transport exceptionnel et si la hauteur du pont, anormalement basse, n’était pas signalée. (Com., 11 avril 2018, N° de pourvoi : 17-12975)

Récemment, la Cour de cassation a jugé que la destruction, même volontaire, par le transporteur des marchandises qui lui ont été confiées ne peut pas, par principe, être qualifiée de faute inexcusable au sens de l’article L. 133-8 du code de commerce, cette qualification dépendant des circonstances de chaque espèce ( Com. 24 mars 2021, F-P, n° 19-22.708).

Dans ce cas d’espèce, une société confie le transport de matériels aéronautiques à un transporteur qui, avant de les acheminer vers la destination prévue, les conserve dans son entrepôt, où ils sont endommagés par un incendie consécutif à une tentative de vol par effraction.

Le transporteur refuse d’indemniser l’expéditeur du préjudice subi et se fait assigné par l’expéditeur et son assureur en paiement. Les juges du fond rejettent leurs demandes, tout comme le pourvoi en cassation formé par l’assureur.

Ainsi, la qualification de faute inexcusable reste exceptionnelle sous le strict contrôle de motivation exercé par la Cour de cassation.

  • Sécurité de la marchandise lors d’un stationnement

Les cas de vol de marchandise pendant le stationnement d’un transporteur étant fréquents, la Cour de cassation impose au professionnel de transport de prêter une attention particulière à la sécurité de la marchandise transportée, notamment à l’occasion du stationnement de nuit.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 21 novembre 2018 mérite d’être cité en ce qu’il reconnaît que le transporteur a commis une faute inexcusable dans un cas où auparavant la jurisprudence avait tendance à l’écarter. La Cour de cassation a validé le raisonnement des premiers juges en confirmant que « le fait d’avoir stationné pour la nuit une remorque chargée de marchandises sensibles, sans aucun dispositif de fermeture, sur un terrain non surveillé, constitue une faute du transporteur […] » et que ce stationnement « de nuit, sur un site isolé en pleine campagne, même régulièrement occupé par les véhicules d’une entreprise de transport, donnant directement sur la voie publique, sans aucune surveillance effective, d’un chargement composé de nombreux colis, donc facilement enlevables, dans une remorque non cadenassée, tandis que le transporteur ne pouvait ignorer la valeur du chargement, et ce, en contradiction flagrante avec les instructions reçues, constitue une faute délibérée et dépasse le seuil de la simple négligence »

Cet arrêt incite également l’expéditeur à donner des instructions claires quant aux sécurité et valeur des marchandises confiées au transporteur.